Icône de Sainte Maria-Maravillas de Jésus
“Transparence dans la transmission”
Introduction
L’icône est la manifestation de Dieu tel qu’Il se révèle dans l’homme. En effet elle est, avant tout, la représentation en lignes et couleurs du Visage du Christ, Dieu fait homme.
Dieu, nul ne peut le voir ni le représenter. Mais, dès que le Verbe s’est fait chair, sa représentation est devenue possible. Telle est la réalité de l’icône, épiphanie du mystère de Dieu, révélation de la Gloire divine cachée dans la finitude de la chair tel le feu qui brûle dans un vase d’argile. Approchons-nous d’elle avec les yeux de la foi, cet œil de la colombe chanté par les Pères. Seul l’œil, illuminé par l’Esprit-Saint, peut reconnaître l’ineffable sous les apparences de l’icône qui a été peinte à travers le même regard et sous la même lumière, comme l’exprime si bien la Liturgie byzantine : “Dans Ta lumière nous voyons la lumière".
Sur l’icône que nous contemplons, nous voyons une Sainte, selon le type appelé iconophore, dans la pleine stature de son humanité, habitée et transfigurée par Dieu. Mère Maravillas de Jésus fut la proie du feu divin qui l’a transformée en une créature nouvelle, créée à l’image du Christ. Cette beauté transparaissait à travers les traits de son visage. La paix, la joie et la sérénité qui débordaient de son esprit lui donnaient cette beauté que les Pères demandaient instamment à Dieu : "Concède à nos âmes la splendeur de ta Gloire pour que nous reflétions ton ineffable beauté".
Ainsi apparaît Maravillas sur l’icône irradiant ce Dieu qui l'habite.
Lecture de l'Icône
La composition de cette icône voudrait nous découvrir le mystère d'une vie toute pénétrée du Christ pour Dieu: une femme, une carmélite, une sainte. L'icône désire illustrer l'itinéraire spirituel de Maravillas. Contemplons-la avec les yeux de la foi qui reconnaissent l'œuvre de Dieu "merveilleux en ses saints".
Graphisme
i- le graphisme de l'icône
Ce graphisme repose sur quatre symboles :
La TAF (TAU), lettre de l'alphabet grec qui dans la tradition orientale n'est autre que la Croix de Saint Antoine le Grand qui signifie la force et la sentinelle en veille.
La balance qui exprime l'équilibre et la stabilité.
La flèche, structure très utilisée dans le graphisme byzantin.
Le calice, Vase sacré de la Divine Liturgie ayant de multiples significations bibliques, liturgiques et iconographiques.
1- La lettre TAF
Le TAF forme la lettre T avec une barre verticale formée par les huit carrés de la stature de la sainte et une barre horizontale formée par deux lignes : celle qui relie les points inférieurs des deux cercles de la partie supérieure de l'icône et celle qui relie les centres de ces mêmes cercles.
Toute la vie de Maravillas est marquée par le mystère des souffrances rédemptrices. En vraie contemplative, sa vie spirituelle fut un mystère de mort et de vie.
Remarquons que les huit modules de la stature de la Sainte forment comme une échelle : signifiant la sainteté comme une montée, comme le mystère de la "voie" est de "se" parcourir, d’entrer en soi pour monter au-dessus de soi afin de "passer" dans le Seigneur et de vivre non plus pour soi mais en Lui et pour Lui.
2- La balance
La balance est formée par ce même TAF avec les deux petits cercles qui reposent sur sa branche horizontale. La balance exprime l'humilité, vertu essentielle dans la vie de notre Carmélite, elle qui sut s'humilier et s'abaisser et qui, dans la mesure de son abaissement fut élevée. Elle exprime aussi l’équilibre de la vie contemplative qui oscille entre la ténèbre et la lumière, entre les aridités et les consolations.
Notons que chacun des petits cercles circonscrit exactement le module qui divise la stature de Maravillas en huit carrés. Ceci signifie que l’expérience spirituelle vécue par la Sainte porte son empreinte personnelle et est faite comme "sur mesure". En effet chaque élu est appelé à vivre le mystère de Dieu qu’il est seul à capter et à refléter de manière personnelle.
3- La flèche
Si on relie les centres des petits cercles supérieurs au centre de l’imago clipeata qui se trouve sur la poitrine de la sainte, nous avons la figure d’un triangle-flèche qui se plante dans le cœur de Maravillas, mieux dans le Cœur du Christ qui est le cœur de Maravillas. Cette flèche exprime tout le dynamisme de la vie spirituelle basée sur une ouverture sans conditions aux inspirations de l’Esprit-Saint. La voie, dite "passive", caractérise l’expérience contemplative des parfaits. Cette flèche illustre aussi les deux sources qui enflammèrent le cœur de Maravillas :
- le mystère de la nuit purificatrice qui fait que, plus Dieu est caché derrière les ténèbres de sa transcendance, plus l’âme est brûlée du feu impatient de l’amour qui désire s’unir à Lui.
- le mystère de Marie, vécu intensément par Maravillas, qui la fit, en même temps, vierge, épouse et mère.
La conjonction de ces deux réalités a fait naître le Christ dans le cœur de Maravillas, ou plutôt a fait que Sainte Maravillas accède à la pleine stature du Christ, Homme Parfait parce qu’Homme de douleurs, Agneau de Dieu portant les péchés du monde.
4- Le calice
Les diagonales du rectangle dont la largeur est délimitée par la partie inférieure des deux cercles supérieurs et la hauteur par les huit modules de la stature de la figure centrale. Cette figure symbolise toute la vie de donation de la Sainte : Don à Dieu, aimé par-dessus tout; don à son Ordre; don à ses filles par une maternité vraie et désintéressé; et, après sa mort, don au monde comme une fleur de sainteté qui répand partout la bonne odeur du Christ.
Ii- la figure centrale
a) La silhouette
La position
La Sainte se tient debout sous un ciborium doré. L'attitude révérencielle de la tête signifie son consentement total exprimant ainsi cette phrase qui lui fut si habituelle et qui illumina tous les instants de sa vie: "Que cela soit ce que Dieu veut, comme Il veut, et quand Il veut". Nous la voyons sereine, en elle coexistent la stabilité et le mouvement. Moniale qui vivait dans la stabilité toujours en mouvement et dans un mouvement stable. Grégoire de Nysse affirme que "la montée naît de la stabilité. Et cela parce que c’est dans la mesure où quelqu’un reste ferme et immuable dans le bien qu’il achève sa route de la vertu".
Le Scapulaire
Le scapulaire (ou analapos) fait partie du costume monastique primitif. Il est cité par Evagre le Pontique qui le désigne comme le "joug de la croix" car, sans manches, il repose intégralement sur les épaules. Il est donc un signe de la donation totale au Christ, le Serviteur Souffrant, à travers le mystère de la Croix. à ce mystère de salut Maravillas s'est unie de tout son cœur d'épouse.
Maravillas montre le scapulaire de son Ordre, ce scapulaire ancien dont la Vierge Marie voulut se servir pour sceller une " alliance et […] communion réciproque entre Marie et les fidèles […] la constituant ainsi notre Mère spirituelle."
Sur l'icône, ce Scapulaire est de grande importance car il est porteur de cette "alliance" et des ineffables promesses de Notre-Dame du Mont-Carmel à tous ses enfants.
L'Habit
L'Esprit Saint a offert à l'église, dès les premiers moments de celle-ci, le charisme de la vie monastique. Tant pour les hommes que pour les femmes, en recevant ce genre de vie, ceux-ci reçurent l'investiture sous la forme d'un habit recouvrant le corps du nouveau consacré, symbolisant ainsi l'entière possession de Dieu sur eux et l'entière donation du consacré. Cet habit qui recouvrait les moines et les moniales a été transmis jusqu'à nos jours par la tradition et l'histoire. La toque, le scapulaire, le voile etc… Ces symboles, comme des formes intemporelles, se sont maintenus jusqu'à nos jours, dépassant les temps et les cultures et, porteurs d'une signification qui ne peut vieillir. Sainte Maravillas a vécu durant une époque de révisions des formes et des structures de la vie religieuse. Elle voyait dans l'Habit simple et austère du Carmel, non une forme caduque à modifier au fil des années, mais l'expression d'un charisme à conserver, garder et transmettre avec vénération et amour. La vie monastique et érémitique fut l'héritage de sa Sainte Mère Thérèse de Jésus comme elle la laissa décrite dans le Chemin de Perfection : "vous n'êtes pas seulement moniales mais aussi ermites". Thérèse de Jésus, disait qu'elle avait réformé l'Ordre de la Vierge pour le "service de Dieu et à l'honneur de l'Habit de sa glorieuse Mère" et elle ajoutait : "là sont mes désirs". Sainte Maravillas répétait souvent dans sa correspondance: "Quel bonheur d'être les filles de Notre Sainte Mère".
Les plis de son habit apparaissent fermes, droits, déterminés, mais non rigides, porteurs de flexibilité et de mouvement se laissant porter par le souffle de l'Esprit. Ils reflètent l'unique aspiration de Maravillas tant de fois manifestée dans ses lettres: accomplir la volonté de Dieu. "Je n'ai pas de plus grand désir que celui d'unir complètement ma volonté à celle de Dieu".
Sur son habit austère, de bure couleur marron, nous voyons des éclaboussures de reflets bleus (les glacis) symbolisant la transparence de la gloire, comme une mariée ornée pour les noces de l'Agneau. Cette couleur bleue, symbolisant la gloire, est superposée au-dessus du marron de l'habit et laisse apparaître discrètement des tons violets qui nous rappellent la douleur et la souffrance, puisque tout, dans la vie de la consacrée, doit être au service de la rédemption.
Le Rosaire
Le rosaire suspendu à la ceinture complète l'habit monastique. Ce que représente le tchotki ou , dans la tradition orientale, l'est pour le Rosaire dans la tradition occidentale, oraison monotone, calme, rythmée: le Nom de Jésus et la salutation angélique, louange, bénédiction et bienfait à la fois, supplique qui au pluriel est intercession, oraison qui nous situe dans ce présent et dans le intemporel. Prière qui accompagnait et approfondissait la connaissance du Mystère de Jésus dans l'âme de Maravillas.
Sainte Maravillas fut une grande dévote de la récitation du Rosaire, et comme moyen d'apostolat de cette dévotion mariale, elle travailla beaucoup à la fabrication des rosaires faits en pétales de roses: "C'est vraiment une tâche ravissante que celle des chapelets, cela nous procure une grande joie et, en plus, c'est propager la dévotion à la Vierge."
b) Ses mains
La main gauche, recouverte du scapulaire, tient sur sa poitrine un disque sur lequel nous voyons le Christ. La main recouverte est signe de la soumission amoureuse et symbolise donc l'attitude humble de la servante qui s'efface devant son Maître.
La main de la Vierge recouverte soit par son manteau soit par la mapula fimbriata (voile de dignitaire), ou encore par le tallith (voile de prière) est une représentation classique de l'art iconographique. Ainsi, les anges-diacres ont souvent la main recouverte de leur étole. Plusieurs saints et saintes ont ainsi la main recouverte. Si sur notre icône la main de Maravillas est recouverte de son scapulaire c’est pour montrer le lien étroit entre sa vie de Carmélite et sa diaconie.
Le disque qu'elle porte manifeste l'accueil du Don que la Mère de Dieu lui a fait de son Fils. Sainte Maravillas est une passionnée de la Sainte Humanité du Seigneur. Dans une de ses lettres elle écrivait: "Je ne tiens à la vie que pour imiter le plus possible celle du Christ. C'est pour cela que je suis venue au couvent".
La soif de Jésus pour les âmes résonne dans son cœur et combien de fois ne s'est elle pas exclamée : "…et aussi une grande souffrance s'est éveillée en moi à cause des offenses faites à Dieu, en même temps qu'un très vif désir que les âmes le connaissent, le servent et l'aiment, mais pour de bon". Sainte Maravillas soutenait son intercession par sa douleur sachant que la souffrance est rédemption.
Dans une de ses lettres elle écrira : "... le souvenir du Calvaire semble se graver dans l'âme. Il me semble que le Seigneur est revenu sur la Croix… et moi je reste là avec la Sainte Vierge et Sainte Marie Madeleine, souffrant avec elles". Dans une autre lettre, nous découvrons le secret de la fécondité spirituelle: "Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes. Je compris que ces mots qui m'impressionnèrent fortement n'étaient pas, dans ces circonstances, pour moi, mais une espèce de requête que me faisait le Seigneur, afin que je m'offre toute entière pour lui donner ces âmes qu'il désire tellement. Je vis clairement, je ne sais comment, la fécondité d'une âme qui se sanctifie, pour attirer les âmes à Dieu; tout cela m'émut si profondément que, de toute mon âme je m'offrais au Seigneur, malgré ma pauvreté, à toutes les souffrances du corps et de l’âme dans ce but "
Au verso d'une image dédiée à une moniale elle écrivait: "Telle est la très douce obligation de votre vocation de carmélite: donner des âmes au Fils de la Vierge".
Cette main cachée nous rappelle le service réalisé par notre Sainte, ce que nous pourrions appeler sa diaconie. En premier lieu, elle diffuse la flamme de sa petite lampe comme le lui demanda le Seigneur lors de sa fondation du Cerro, augmentant "les colombiers de la Vierge". Ils furent nombreux les Carmels qu'elle fonda ou restaura ; elle compléta son œuvre sociale édifiant des églises, aidant à la reconstruction de monastères, faisant construire une maison pour les moniales malades, réalisant la construction de complexes familiaux, d'écoles, assurant des bourses d'études etc… Et tout ceci dans le silence de sa clôture, avec une grande simplicité. Comme le laboureur lançant avec amour les graines sur son champ. Ainsi laissait-elle tomber sur son passage les semences d'une charité débordant de son cœur, imitant son Maître qui passa en ce monde faisant le bien...
La main droite, élevée en signe d'intercession, attire notre attention par la similitude de sa main et celle de la Mère de Dieu. Comme la Toute Sainte, Maravillas demeure en esprit devant le Seigneur afin d'intercéder pour l'humanité. Telle est l'attitude de l'épouse, qui imitant Marie, demeure à la droite du Roi, implorant la miséricorde pour son Peuple.
c) Le disque
Maravillas, comme chaque baptisé, est un sanctuaire de Dieu, un Temple de l'Esprit-Saint. En vraie Carmélite, elle vécut pleinement ce mystère et le fit vie en elle. La sainte porte le disque (imago clipeata) du Christ de la Passion. Ce disque révèle sa relation personnelle avec le Verbe Incarné.
Maravillas porte le disque par sa foi, son espérance et sa charité. Elle a exalté le Christ dans son cœur, et l’a mis au-dessus de toute autre valeur. L’effigie du Christ de la Passion, au côté ouvert d'où jaillissent "le sang et l'eau", est très significative.
Cette blessure ouverte, contemplation du Cœur de Jésus, subjugua le cœur de Maravillas. Dans quelques paragraphes relevés à travers ses lettres nous pouvons lire: "… dans cette présence certaine et obscure, le cœur en silence semble vouloir s'enfoncer dans le Cœur Divin, et je ne sais dire ce qu’on ressent de cette manière, que je n’avais encore jamais expérimenté, comme quelque chose très réel...". "étant, je crois, retirée dans cet abîme de ma pauvreté, il se forma en moi, spontanément, cette parole: 'Seigneur, qu'ai-je fait pour Toi!' J'étais pleine de confusion de voir que c'était rien, rien, que c'était une exclamation et non une question; il me sembla au moment même sentir clairement: 'Tu t'es donnée à Moi toute entière' comme avec beaucoup d'amour.". "D'une certaine façon tout cela est si obscur, c'est difficile d'en parler et je crains, en plus, de manquer à la vérité en donnant forme à ce qui n'en a pas." "Il me parut très clairement, mais sans rien voir, que le Seigneur étreignait mon âme, lui disant de reposer là, sur son Cœur. Et ce fut avec tant de compassion et tant d'amour, et si soudainement, que sans pouvoir penser à rien, j'éprouvai une félicité immense, une paix et une douceur qui comblaient l'âme et le corps".
Une simple lecture de la biographie de Maravillas suffit pour montrer l’importance du culte amoureux au Sacré-Cœur dans sa vie et son œuvre. Le Cœur de Jésus, symbole suprême de la miséricorde divine, objet d’une consécration particulière de l’Espagne et des carmélites du Cerro de los Angeles, s'immolant comme de petites lampes ardentes pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.
iii- la natte
Sainte Maravillas se tient debout sur une natte aux multiples couleurs. Cette natte symbolise par ses couleurs éteintes la pauvreté, le détachement évangélique qui firent surgir dans son cœur cette joie que personne ne peut lui ravir, signifiée par le vermillon des points. Nous voyons aussi des traces discrètes d'assist (traits d'or) qui soulignent la métamorphose des valeurs… la pauvreté devient possession, le dépouillement rencontre avec la suprême richesse.
Avec un regard fixé sur "ce Seigneur de nos âmes" elle dit: "Quand on pense que le Christ est venu sur la terre et qu'Il a fondé la Sainte église avec douze pêcheurs dans une pauvreté totale, on a vraiment envie de suivre ce chemin…!” Et elle exhortait ses moniales: "Mes filles, nous sommes pauvres, le travail nous oblige; travailler comme des pauvres, telles que nous le sommes, par la miséricorde de Dieu, quelle dévotion cela donne ". Sainte Maravillas sut harmoniser dans sa vie la pauvreté avec la véritable joie.
Les témoignages disent qu'elle veillait durant les heures de la nuit travaillant de ses mains, confectionnant des alpargates, tapis… jamais on ne la voyait oisive. Ce qu'elle vivait et ce qu'elle laissa après sa mort ne fut rien d'autre qu'une transplantation du colombier de Saint Joseph d'Avila, une continuation de la Mère Thérèse de Jésus, que Sainte Maravillas suivait et admirait comme une fille authentique.
iv- le ciborium
Le "ciborium" est le symbole de la gloire du Christ partagée avec les hommes. Le Seigneur Jésus dit au Père: "Ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils contemplent la gloire que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde ".
Le nom de Sainte Maravillas de Jésus est inscrit sur l'or, symbole de la gloire, puisqu'elle est comptée parmi les bienheureux. Si chaque icône porte un titre ou le nom d'un Mystère ou le nom du Saint qu'elle représente, elle jouit, de plus, d'un sous-titre. Dans le cas de celle de Maravillas de Jésus celui-ci pourrait-être "Transparence dans la Transmission".
Sa vie en Christ
Comme chaque élu, Maravillas est un "don" du Père au Fils qui lui "donne" sa gloire. Cette gloire -qui est effusion de l'Esprit-Saint- est le don de l'amour incommensurable du Père envers le Fils et aussi le don de l'amour incommensurable du Fils envers les hommes. Jésus nous le dit :"Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée pour qu'ils soient Un comme nous sommes Un, moi en eux et toi en moi ".
Recevoir la gloire du Christ pour nous unir à lui et au Père découle d'une élection. Cette élection est un mystère d'union au Christ. "En lui, nous sommes élus dès avant la fondation du monde… à la louange de sa gloire". Et Jésus dira à ses disciples :"Ce n'est pas vous qui m'avez choisi mais c'est moi qui vous ai choisis pour que vous alliez et portiez beaucoup de fruits ".
Nous sommes tous appelés mais l'élu est celui qui a répondu à l'appel, qui a ouvert la porte, qui a accueilli le Seigneur dans son cœur et dans sa vie. Maravillas a vécu ce mystère de l'élection. Elle a été placée, dès le début de son existence, dans un milieu privilégié qui favorisa l'éclosion de la grâce à laquelle, encore très jeune, elle répondit. Elle-même nous raconte le merveilleux effet de la grâce dans sa vie lorsque, à peine âgée de cinq ans, elle fit son vœu de virginité "pour être toute à Jésus" et le souvenir de sa Première Communion: "Le jour de ma Première Communion, je fus très heureuse ; avec le Seigneur je parlais seulement de mes désirs ardents pour qu'arrive le jour d'être totalement sienne dans la vie religieuse; cela reste pour moi une date très douce et mémorable."
Sa vie en Marie
Cachée sous le ciborium, elle retrace aussi le mystère de la Vierge que l'Esprit couvrit de son Ombre – qui est sa Gloire – pour la rendre féconde selon Dieu. Tel est le mystère de la virginité consacrée dans l'église: se livrer à l'action de l'Esprit pour devenir le réceptacle de sa Gloire qui nous consacre à Dieu comme son sanctuaire.
Cette consécration prit un aspect concret, quasi spatio-temporel. Maravillas et ses compagnes furent appelées à prier et à s'immoler pour l'Espagne dans un lieu stratégique: la colline de Notre-Dame des Anges (Cerro de los Angeles). Cette fondation du Cerro était inspirée par les appels insistants du Seigneur qui demandait que ce Carmel soit comme une lampe ardente d'amour et d'intercession devant le Sacré-Cœur.
Sa vie dans le Carmel Déchaussé
Sainte Maravillas est Carmélite Déchaussée.
Un des aspects de la consécration de Maravillas fut la conviction avec laquelle elle professa sa vie cloîtrée. Si la consécration est comme une "mise à part pour Dieu seul", la clôture l'exprime bien et la réalise. Dans le Cantique des Cantiques l'époux dit de l'épouse qu'elle est "un jardin bien clos, une fontaine scellée". A la suite de la Sainte Mère Thérèse de Jésus, Maravillas fut appelée au Carmel. Elle vécut en esprit et en vérité le charisme de son Ordre. Malgré les bouleversements politiques et les changements socioculturels, elle sut discerner l'essentiel du contingent et réalisa, tout d'abord dans sa vie, puis dans celle des monastères qu'elle fonda, l'adaptation demandée par l'église.
Sous le ciborium, la Sainte n'est pas isolée dans sa clôture. Elle porte dans son cœur le Cœur de Jésus pour que sa propre âme soit l'écho du dessein rédempteur du Christ.
v- les cercles
De part et d'autre de la Sainte nous voyons deux "cercles" qui représentent chacun une épiphanie:
a) à sa gauche, le cercle de l'inaccessibilité divine.
"Chaque fois, cette recherche du Seigneur, par ce qu'Il n'est pas, me comble de plus en plus... ... chaque fois je le sens plus caché, plus dissimulé, plus incompréhensible. "
Fille fidèle du Saint Docteur Jean de la Croix, Sainte Maravillas suivit toujours ses enseignements, s'appuyant comme lui dans son ascension vers Dieu, sur les vertus théologales qui la conduisirent à ces cimes où l'ignorance transcende toute connaissance… le savoir sans savoir de Saint Jean de la Croix.
Le cercle de la ténèbre symbolise cette rencontre avec la divinité.
Ce fut dans la ténèbre du Sinaï qu'apparut la divinité. Plus le spirituel avance, plus il comprend ce qu'est la connaissance des réalités divines, et plus il "voit" que la nature divine est invisible. L'âme ayant laissé tout ce qui est apparence, non seulement pour ce qui est perçu par les sens, mais aussi par l'intelligence qui croit "voir", est attirée vers l'intérieur jusqu'à pénétrer, par l'effort de l'esprit, à ce qui est Invisible et Inaccessible, et là, elle voit Dieu… parce que celui qu’elle "cherche transcende toute connaissance, séparé de toute part par son incompréhensibilité comme par une ténèbre." (Saint Grégoire de Nysse).
Et la contemplation s'intensifie de plus en plus et se fait "plus lumineuse jusqu’à arriver à la ténèbre supralumineuse" (Saint Grégoire de Palamas).
Nous voudrions rappeler ici les ascensions mystiques de la Sainte Carmélite, suivant les "nuits" de son Père Jean de la Croix qui la conduisirent à goûter l'ineffable ténèbre supralumineuse chantée par les Pères.
Ce cercle, dans cette icône, veut signifier aussi la présence du Père, , c'est-à-dire Celui qui est sans principe, dans son "Que cela soit" de la narration de la Création: "Que cela soit, et la Création fut".
Le "vouloir" des Trois Personnes Divines, les Trois consubstantiels, c'est le mystère ineffable de l'amour se répandant dans le cœur des hommes, fils adoptifs, appelés à la divinisation.
b) à droite, le cercle de la Mère de Dieu.
Selon le prototype de l'Hodigitria (Conductrice), la Mère de Dieu porte son Fils avec sa main couverte, tandis que l'autre main ouverte indique le chemin et intercède.
La Toute Sainte, en communion avec l'Esprit Saint, prononce son "Oui", et le Verbe s'est fait chair, par œuvre de l'Esprit, , le Vivificateur. Marie n'est pas un lieu inerte, tout son être personnel est offrande, donation, don à l'Esprit Saint. Par le OUI de Marie le fleuve de la Vie entra dans l'humain, il s'unit à l'énergie de l'accueil et prit un nom: Jésus. Marie se trouva habitée par la plénitude de la divinité, Marie est Mère de Dieu et Elle donne son Fils, , Celui qui habite au-delà des cieux, le Logos éternel du Père, pour le salut du monde. Le Mystère est accompli.
Sainte Maravillas raconte ce qui lui arriva durant la nuit de Noël de 1931: “En allant communier cette nuit, et alors que je n'avais absolument rien éprouvé durant tout l'office, j'ai senti soudain ma foi se raviver, et il m'a semblé (je ne sais comment), à ce moment précis, que la Très Sainte Vierge remettait l'Enfant dans mes bras ; mais ce fut si clair et si fort qu'instinctivement je décroisai les mains, et je revins à ma place comme si je le portais réellement dans mes bras. Là, je ne sais plus bien ce qui se passa, mais c'était cette fois une grande douceur et beaucoup d'amour. Il me semblait percevoir, quoique confusément, comme la grandeur de Dieu par-dessus tout ce qui existe au monde ; et combien rien ne peut Lui être comparé (je ne sais pas m'expliquer) ; et en même temps, j'éprouvais de la douleur, à cause des offenses que ses créatures commettent follement. Je croyais voir, sentir, je ne sais pas, l'amour du Seigneur pour mon âme, qui était comme anéantie dans sa misère, car, Père, je comprends ce que sont toutes les créatures pour Dieu; c'est-à-dire je comprends, bien sûr que non, mais je me sens beaucoup plus misérable, davantage néant encore, sans comparaison, que toutes les créatures qui ont existé existent et existeront, c'est absolument sûr. Et il me semblait que, dans son amour, II voulait demeurer toujours avec moi ; je ne sais pas m'exprimer ; c'était comme s'Il me demandait mon pauvre cœur, comme un endroit où trouver refuge, où se reposer, par les temps qui courent… je ne sais comment, car j'étais anéantie, je ne faisais que me livrer à Lui et, sans paroles, je Lui demandais de souffrir, de tout Lui donner …". "Souffrir", nous trouvons dans cette demande de Maravillas un fort écho de la réponse de Saint Jean de la Croix à la demande du Seigneur.
Sainte Maravillas vivait intensément sa vocation dans l'Ordre de la Vierge. Selon le témoignage de Mère Dolorès, cette phrase : "Le Carmel est tout de Marie", l'enthousiasmait. Des années plus tard étant dans son Carmel du Cerro elle écrit: "je compris que le Seigneur voulait que je me retire dans la solitude parce qu'Il voulait me faire vraiment son épouse"… Ce même jour, Sainte Maravillas commença sa retraite.
"Les premiers jours, ne furent qu’abondance de grâces et de lumières du Seigneur… mais il m'était impossible de croire que cette si grande grâce qui m'avait été annoncée puisse être mienne, étant ce qu'elle était, pour me faire grandir, comme je le vois maintenant; le Seigneur seul peut l'accorder quand l'âme est à un autre degré de perfection bien différent; et comme d'autre part j'étais si certaine que tout cela m'était arrivé et que ce n'était pas de l'imagination, je demandai au Seigneur, pour la première fois de ma vie, de me donner une preuve: ce serait que me parvienne, de n'importe quelle façon, une image de la Très Sainte Vierge donnant son Divin Fils à l'âme" " et ce qu'elle n'avait jamais fait, la Mère Josefa m'avait fait faire une image de la Très Sainte Vierge avec l'Enfant, des fiançailles de Sainte Catherine, à qui on avait enlevé son auréole et qu'on avait habillé en carmélite".
Marie donne son Fils fait Enfant, Maravillas l'accueille… "Une union si intime et si véritable, comme cesser de vivre, moi, pour qu'Il vive, Lui; ce à quoi, grâce à sa Bonté et à sa Miséricorde, ne fait aucunement obstacle cette immense et complète pauvreté que je vois toujours plus clairement en moi."
La Douce Vierge Marie, formée par l'Esprit, nous montre que l'activité la plus féconde de la créature est d'être "capacité" de son Dieu. Le cercle bleu qui la contient fait apparaître son Oui; l'Esprit a uni le Verbe et le Oui, c'est-à-dire, l'énergie divine et l'énergie humaine. Le Don et l'accueil. Bienheureux celui qui –dit Saint Siméon – a vu la lumière du monde formée en lui, car étant comme une incarnation du Christ, il sera comme sa mère, comme l'a annoncé Celui qui ne ment pas.
Ce mystère se répète spirituellement dans les âmes des fidèles parmi lesquelles se trouve Maravillas de Jésus.
vi- le disque (troisième cercle)
Nous avons présenté le Disque en parlant de la figure centrale de l'icône, cependant nous voudrions lui donner aussi la dimension trinitaire formée conjointement avec les deux autres cercles, "la ténèbre, représentant, d'une part le "que cela soit" du Père lors de la création, et d'autre part le cercle signifiant l'Esprit Saint réalisant l'Incarnation du Verbe. Dans le troisième cercle, Jésus se fait présent en prononçant ces paroles: "Me voici..."
La vie de Maravillas de Jésus se fit constamment Verbe, Christ. Par la fidélité et la violence qu'elle se fit à elle-même, elle vécut toute la croissance du Christ en elle. Cette vie christocentrique opéra comme une incarnation du Verbe, et en cet état: elle en Christ, elle opéra des miracles, souffrit la Passion… et cette vie divine lui permit l'unification de son monde intérieur, "le samedi des samedis" et aussi du monde extérieur. Cette créature transformée surpasse toutes les distinctions et occupe un rang plus élevé qu'avant la chute, c'est-à-dire, là où se trouvait Adam.
Notre Sainte a vécu le Mystère Trinitaire...
"Dans ces opérations secrètes… il y a un rappel… des Trois Personnes divines et un "comprendre sans comprendre" comme le dit le Saint Père (Jean de la Croix); le feu de l'amour s'enflamme de telle façon, pacifiant mais si intense, qu'il semble embraser véritablement et qu'on voudrait cesser toute activité pour ne rien faire d'autre qu'aimer..."
Conclusion
En Sainte Maravillas il y a un effort et un combat, elle cherche à pénétrer le Mystère du Christ, à imiter son Christ pour ensuite intérioriser ce mystère qui émerge en sa conscience et se manifeste comme éclatement de gloire en toute sa vie… la divinisant, l'énamourant. Tout en elle acquiert la saveur de l'amour, et pour cela elle s'exclame: "A l'intérieur s'allume comme un amour silencieux, dans l'obscurité, mais si fort que parfois il semble irrésistible..." La vie cachée de Dieu se convertit en une épiphanie dans cette vie humble et silencieuse de la carmélite, Maravillas de Jésus...
L.D.V.M. et S.J.
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