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Marie Dans Notre Vie
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La spiritualité mariale au Carmel D’après des textes de la messe de Notre Dame du Mont Carmel

Ecrit par P. Valéry Bittar OCD

Nous voudrons à travers ce petit exposé, dégager les traits principaux de la spiritualité mariale au Carmel. Ce travail se fait à partir des textes de la messe de Notre Dame du Mont Carmel fêtée le 16 juillet. Dans notre étude sur la spiritualité liturgique, nous avons remarqué la densité spirituelle que porte la liturgie en soi. A partir des textes liturgiques nous pouvons entrer profondément dans le Mystère de la Trinité, du Christ et des membres éminents de son Corps. Nous allons examiner les textes, et, à partir d’eux, dégager les traits de la spiritualité mariale au Carmel.

1. Dans l’antienne d’ouverture nous lisons :

« La gloire du Liban lui est donnée, la splendeur du Carmel et de Sarône. On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu ».

Ce verset d’Isaïe (35,2) est appliqué ici sur la Vierge Marie. Les lieux bibliques mentionnés, sont considérés des symboles de la beauté et de la splendeur. Le Liban est dans la Bible, symbole de la gloire et de la beauté. Le Carmel, lieu mystique, est chargé d’une signification particulière dans l’Ancien Testament. Etymologiquement, le nom Carmel dérive probablement de « Kerem », qui veut dire jardin, vigne, et de « El » qui signifie Dieu, d’où Carmel est le jardin de Dieu. Le Carmel est une montagne fertile et luxuriante en Palestine. Elle est devenue dans la littérature d’Israël le symbole de la grâce, image des bénédictions de Dieu sur son peuple.

Nous savons que le Mont Carmel est lié étroitement à la figure d’Elie le prophète zélé, le prophète « type ». Le sacrifice du Mont Carmel évoqué dans 1R 18,20-40, où Elie exalte le vrai Dieu d’Israël, est devenu un geste prophétique au centre de l’économie de l’Alliance. Ce sacrifice se situe théologiquement, dans l’histoire du salut, à mi-chemin entre le sacrifice du Sinaï et celui du Golgotha. Il reprend la mission de Moïse, mais en annonçant celle de Jésus. En cette mission, ce nouveau sacrifice et cette Nouvelle Alliance seront le fruit de la pure miséricorde de Yahvé. Face à l’infidélité du peuple, Yahvé, dans le sacrifice du Carmel, se révèle miséricordieusement fidèle. Ce geste est aussi le signe prophétique d’une effusion ultérieure et plus grande encore de cette miséricorde divine. Ceci se réalise dans la venue de Jésus fils de Marie.

Au centre de tous ces événements relatés dans l’Ancien Testament, Marie n’est pas présente explicitement. C’est le langage symbolique qui va nous dévoiler sa présence. Après le sacrifice, le texte nous raconte la fin de la sécheresse. Elie voyait une « petite nuée, de la taille d’une main d’homme » (1R 18, 44). La Tradition a vu dans cette nuée une préfiguration de la Vierge Marie (chose inintelligible pour l’exégèse rationaliste et historicisante). Marie est la petite nuée qui annonce la pluie portée par les lourds nuages. La pluie c’est le symbole du Christ ; Marie, la petite nuée, l’annonce. C’est elle la petite « véhicule » par laquelle le Fils de l’homme vient sur notre terre.

Marie se trouve au cœur du mystère historique et du signe prophétique du Mont-Carmel comme lieu symbolique.

2. Dans la prière dite « la collecte » :

« Que la prière maternelle de la Vierge Marie, reine du Carmel
Vienne à notre aide, Seigneur :
Accorde-nous, par sa protection, de parvenir à la montagne véritable,
Le Christ notre Seigneur »

Deux aspects de la spiritualité mariale se trouvent juxtaposés, l’aspect maternel et l’aspect royal. Marie est, à juste titre, nommée Mère et Reine du Carmel. Le nom officiel des Carmes est : « Frères Déchaux de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel ». Cette appellation reflète une appartenance spéciale à la Vierge Marie. Les premiers Carmes ont construit, sur le Mont Carmel en Palestine, leurs cellules autour d’une petite chapelle dédiée à la Vierge Marie. Marie est considérée dès le début de l’histoire carmélitaine : la Dame, la Patronne ; les Carmes se mettent sous sa protection, s’engagent à la servir, et celle-ci, en retour, les prend effectivement sous sa protection.

La première Règle invite les Carmes à vivre « in obsequium Christi ». Il y a avant tout la réponse à l’appel de l’Evangile dans la ligne de toute la tradition monastique d’Orient. Si le Christ est le Seigneur, la Vierge est la Dame (domina, féminin de dominus) avec tout que ce mot évoque de noblesse et de pouvoir royal.

Le Carmel invoque la Vierge Marie comme sa Reine et sa beauté « Regina Decor Carmeli ». Nous remarquons que par un geste spontané les premiers Carmes se consacrent à la Vierge Marie tout cours, par ailleurs cette consécration était accompagnée par une vie menée sous le signe d’Elie. Avec toute la tradition du monachisme oriental les frères voyaient dans Elie le modèle des moines. Le culte de la Vierge Marie vient spontanément pour accompagner le modèle Elianique. Ceci allait de soi en Orient ce qui n’était pas courant en Occident.

L’aspect maternel accompagne l’aspect royal et le surpasse. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus exprime cette réalité en disant : « Marie est plus mère que Reine ». Cette maternité qui ne la relie pas simplement au Christ, mais qui s’exerce directement et amoureusement sur chacun de ses membres. Le XIVe siècle semble bien avoir marquer le début de la réflexion proprement théologique de l’Ordre sur sa vocation et sur le mystère de Marie. A partir de ce siècle, nous trouvons les premières traces d’une appellation de la Vierge comme « mère du Carmel ». Cette appellation ouvre un nouveau mode de relations, et crée un climat plus intime et plus familier. En même temps on approfondit la connaissance de la miséricorde de Dieu. On prend conscience d’une manière plus explicite que la Vierge, Mère de Dieu et notre Mère, est «fontaine de miséricorde ». La vertu de la virginité est aussi mise en relief. Etant la vertu des contemplatifs par excellence, liée à la pureté, elle est la condition et l’effet de l’union à Dieu. Patronne, Mère du Carmel, Vierge toute pure, modèle et sœur c’est elle qui peut nous conduire au Christ, la montagne véritable.

3. Dans la prière sur les offrandes nous lisons :

«Dans la joie de fêter la Vierge Marie
qui nous a pris sous sa protection,
Nous te présentons, Seigneur, nos offrandes ;
puissions-nous, en imitant l’amour de ta Servante,
nous associer de plus près à ton œuvre de salut »

Marie est nommée ici : « Servante », cette appellation évoque l’attitude de la Vierge le jour de l’Annonciation. Cette attitude a marqué toute la vie de Marie. Elle est toujours la Servante du Seigneur, c’est à dire la femme disponible, toujours à l’écoute, toujours prête pour accomplir la volonté du Père. Dans cette attitude de profonde humilité, Marie devient un modèle. Les Carmes, qui ont pour but de marcher à la suite du Christ, trouvent dans leur Reine et Mère, l’humble servante qui les aide à parcourir le chemin de l’humilité. Marie, dans son humilité, s’est associée à la Kénose du Christ. À cause de l’abaissement du Christ, le monde a obtenu le salut. Seul les humbles peuvent s’associer à l’œuvre du salut accomplie par le Christ. Marie est la première à y parvenir et elle est toujours présente pour aider ses fils à parcourir le même chemin.

4. La préface : ici nous remarquons une densité théologique dont nous allons dégager les aspects fondamentaux.

« Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire...
à toi Père très Saint, Dieu éternel et tout puissant.
En ce jour où nous fêtons la Vierge Marie, Mère du Carmel,
Nous voulons te chanter, te bénir et te glorifier,
Car elle a gardé et accompli fidèlement ta Parole.
Avec les Apôtres, elle a persévéré dans la prière,
Et, merveilleusement associée au mystère du salut,
Elle est devenue la mère de tous les hommes.
Aujourd’hui encore, d’un cœur maternel,
Elle veille sur les frères de son Fils.
Pour nous qui cheminons vers la montagne de ta gloire,
Elle est le signe d’espérance et de réconfort
Qui éclaire notre route ;
Et, pleins de joie, nous contemplons en elle,
Comme dans une image parfaite,
Ce que nous désirons et espérons être dans l’Eglise »

La préface met en relief les caractéristiques fondamentales de la figure de la Vierge. Tout d’abord elle est celle qui a gardé et accompli fidèlement la Parole de Dieu. Saint Luc nous disait que Marie « conservait avec soin tous ces souvenirs et les méditait en son cœur » (Lc 1, 19). Elle méditait tous les événements, elle gardait jalousement la Parole reçue de Dieu. C’est elle qui a porté dans son sein et dans son cœur le Verbe fait chair. Le Carmel appelé dans la Règle de st. Albert à méditer jour et nuit la Parole de Dieu, trouve en Marie le modèle parfait. Cette méditation est accompagnée d’une fidélité, car la Parole nécessite la persévérance et la fidélité.

Une autre image est évoquée ici : Marie persévérante dans la prière avec les Apôtres. La prière continuelle, la vie d’oraison, la persévérance dans le contact avec le Dieu présent, constituent les piliers de la vie au Carmel. Marie est considérée l’Orante par excellence. Elle est la femme toute centrée sur la présence de Dieu. L’iconographie représente Marie au milieu des Apôtres à la Pentecôte, le moment fondamental qui a lancé l’Eglise jusqu’au bout du monde. Marie continue à être dans l’Eglise la femme orante, dans le quotidien, et dans les événements charnières de la vie de l’humanité. Le Carmel appelé à vivre intensément cette dimension, trouve en Marie la figure parfaite.

Puisqu’elle a été intimement associée au mystère du salut dès l’Annonciation, la Vierge est devenue la mère de tous les hommes. Dans l’évangile de Jean nous voyons Marie au pied de la croix. Cette image indique une réalité théologique fondamentale : Marie est la femme qui a participé jusqu’au bout à l’action du salut accomplie par Jésus. Dans son attitude auprès de la croix nous trouvons la maturité de son « Fiat » prononcé lors de l’Annonciation. Au pied de la Croix le cœur de Marie s’ouvre à la maternité universelle dans la personne du disciple Jean.

Les Carmes appelés à vivre à la suite du Christ leur frère aîné, premier né d’entre les morts, trouvent nécessairement en Marie la mère et le guide. Cette mère va les guider vers la montagne véritable qui est le Christ lui-même. La montagne du Carmel, lieu géographique et symbolique, lieu d’Elie, lieu d’intimité avec le Dieu vivant, trouve, dans le Christ, la plénitude de son sens symbolique et mystique. Marie guide fidèle devient l’image de ce que le Carmel est appelé à être dans l’Eglise. Marie signe d’espérance, fille de notre terre elle a réalisé pleinement sa vocation humaine en se plongeant dans le divin. Le Carmel trouve en elle la plénitude de sa vocation.

5. Dans la prière finale après la communion nous lisons :

Tu viens de nous réconforter, Seigneur,
Par le sacrement du corps et du sang de ton Fils :
Que ta grâce et ton amour nous fortifient
Et nous donnent d’imiter fidèlement la Vierge Marie
Que nous avons promis d’honorer et de servir.

Cette prière adressée au Père est une demande de la part de ceux qui ont participé au banquet eucharistique. Réconfortés par le corps et le sang du Fils, les participants demandent la grâce et l’amour du Père pour qu’ils puissent imiter la Vierge. Conscients que ce chemin de sainteté est une grâce gratuite de Dieu, les Carmes demandent la force qui vient du sacrement de l’amour pour pouvoir accomplir leur vocation d’imiter, d’honorer et de servir la Vierge.

Dans un langage simple, mais bien profond, la liturgie nous plonge dans la richesse inépuisable de la spiritualité. Le fondement est toujours biblique, trinitaire et christocentrique. Une vraie vie liturgique nous mène à vivre dans l’Esprit Saint notre sanctification. C’est dans la liturgie que le croyant puise les trésors de l’Eglise. Cesse richesse exige un travail assidu pour que les célébrations liturgiques puissent conduire les croyants aux sources fraîches d’une spiritualité authentique.

Bibliographie

Le Prophète Elie

La Règle Du Carmel

Marie Dans Notre Vie

L'oraison